Evaluation prospective des politiques de réduction de la demande d’énergie pour le chauffage résidentiel

ADEME, Décembre 2018

Jeudi 28 février 2019, par RAPPEL3 // Aides et dispositifs financiers nationaux

La présente étude évalue l’impact entre 2012 et 2050 des principales politiques d’amélioration énergétique du parc de logements privés et sociaux en France. L’évaluation utilise le modèle de prospective Res-IRF et porte sur les politiques suivantes : taxe carbone (TC), crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), certificats d’économies d’énergie (CEE), éco-prêt à taux zéro (EPTZ), TVA à taux réduit (TVAr) et réglementation thermique 2020 (RT 2020). En voici la synthèse :

- Cadre de modélisation
Le modèle Res-IRF intègre une description fine de la performance énergétique du parc de logements – basée sur les étiquettes énergie du diagnostic de performance énergétique (DPE) pour les consommations d’électricité, gaz naturel, fioul domestique et bois-énergie pour le chauffage – et des caractéristiques des ménages – différenciés par type d’habitat, niveau de revenu et statut d’occupation.
Res-IRF détermine de façon endogène la dynamique de construction neuve, la dynamique de rénovation thermique des logements existants et les écarts entre consommation d’énergie réelle et conventionnelle, notamment dus à « l’effet rebond ». Ces mécanismes sont modulés par des paramètres reflétant différentes barrières à l’efficacité énergétique, telles les contraintes de financement, les attributs non-énergétiques des rénovations, les incitations contradictoires entre propriétaire et le locataire d’un même logement et les freins à la décision collective en copropriété. […]

- Efficacité des politiques combinées
L’évaluation des politiques est basée sur une hypothèse d’évolution des prix des énergies (hors taxes environnementales) retenue dans les scenarios de la Stratégie Nationale Bas Carbone, équivalente à un taux de croissance annuel moyen de 1,5%. En combinant l’ensemble des politiques considérées, les différents objectifs fixés par le gouvernement dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte semblent diversement atteignables :
1. La demande d’énergie pour le chauffage résidentiel diminue de 30% en 2030 et 50% en 2050 par rapport à 2012. Un tiers de ces réductions est attribuable aux politiques considérées ; le reste est dû à des progrès autonomes et à l’augmentation (hors taxes environnementales) du prix des énergies. L’objectif de réduire la demande totale d’énergie finale de 20% en 2030 et 50% en 2050 s’inscrit donc dans l’évolution tendancielle des consommations pour le chauffage résidentiel.
2. Le nombre annuel de rénovations thermiques – définies comme un saut d’au moins une étiquette du DPE – est de l’ordre de 530 000 dans le parc privé et 40 000 dans le parc social en référence ; les politiques considérées ajoutent respectivement 100 000 et 10 000 rénovations à ces effectifs. Ces réalisations sont nettement au-dessus des 380 000 rénovations visées dans le parc privé et nettement en-dessous des 120 000 visées dans le parc social. La portée de cette comparaison est cependant limitée par l’absence de définition claire d’une rénovation énergétique dans les textes gouvernementaux. Le faible nombre de rénovations produit par le modèle dans le logement social s’explique par la moindre profondeur du gisement sur ce segment, qui est de relativement bonne performance énergétique.
3. L’objectif d’une disparition des logements de performance énergétique G et F, préconisé pour 2025, ne semble pas atteignable avant 2040 et nécessite une extension des aides au parc locatif privé.
4. L’objectif de rénover l’intégralité du parc de logements au niveau « bâtiment basse consommation ou assimilé » – exigence interprétée ici comme une performance minimale égale à l’étiquette B du DPE – à l’horizon 2050 ne semble atteignable qu’aux deux tiers.
5. L’objectif de réduire la précarité énergétique de 15% à l’horizon 2020 nécessite une politique volontariste, avec des aides plus élevées et étendues au parc locatif privé.

En complément, les dépenses annuelles totales de rénovation énergétique s’élèvent à 10 milliards d’euros en 2013, dont 3 milliards couverts par les diverses subventions considérées. Les recettes de la taxe carbone collectées sur le périmètre du modèle dépassent le coût public de ces subventions à partir de 2025.

- Efficience des politiques
Les différentes subventions évaluées – CITE, CEE, EPTZ et TVAr – présentent un coût de l’ordre de 0,04 à 0,12€ d’aide par kilowattheure évité (cumulé actualisé) et un effet levier (i.e., euro investi par euro d’aide perçu) de l’ordre de 1 à 1,4 en 2015. Ces indicateurs se dégradent mécaniquement au cours du temps sous l’effet de la réduction du gisement d’économies d’énergie. Le ciblage des subventions sur les opérations les plus performantes et sur les ménages en situation de précarité énergétique (qui sont sur-représentés dans les logements les moins performants, dont l’amélioration est la plus efficiente) accroît leur efficience. Les interactions entre les différents instruments génèrent des effets sur-additifs, de l’ordre de 5 à 10% de l’effet propre des instruments.
La taxe carbone apparaît comme le principal moteur de réduction des consommations d’énergie à long terme. Par rapport aux subventions, elle a l’intérêt supplémentaire d’encourager la sobriété énergétique.

- Effets distributifs
La part des ménages consacrant plus de 10% de leur revenu aux dépenses conventionnelles de chauffage, qui s’élève en 2012 à 2,7 millions de logements, diminue progressivement, et ce principalement sous l’effet d’améliorations autonomes liées aux prix des énergies et au renouvellement naturel du parc. Les subventions à l’efficacité énergétique ont tendance à accélérer cette diminution tandis que les taxes sur l’énergie la retardent. Le niveau de confort thermique augmente à un rythme comparable pour toutes les catégories de ménages ; la réduction de la précarité énergétique ne se confond donc pas avec une réduction des inégalités de confort.

- Effets spécifiques
Les subventions considérées agissent toutes en majeure partie sur le segment des propriétaires occupants. Il semble impératif d’orienter ces aides vers le gisement mal ciblé du parc locatif privé, qui représente 28% du parc total.
Plus spécifiquement :
1. Le CITE apparaît comme la subvention la plus efficace, au sens où elle est celle qui génère le plus d’économies d’énergie ; son efficience (telle que mesurée par les indicateurs de coût-efficacité et d’effet levier) peut être améliorée en restreignant son éligibilité aux travaux les plus performants et aux ménages en situation de précarité énergétique.
2. L’EPTZ présente une efficience supérieure à celle du CITE, mais le modèle surestime nettement son taux de recours. Cet écart avec la réalité met en lumière de possibles barrières à l’offre et la demande de prêts bonifiés qui méritent des recherches complémentaires.
3. Les CEE présentent également une efficience supérieure à celle du CITE, qui s’améliore au cours du temps sous l’effet conjugué des composantes subvention et taxe de l’instrument. Les volumes simulés entre la troisième et la quatrième période sont comparables. Ce résultat est peu sensible aux variations de prix des CEE, sauf sur le segment des CEE précarité. Il implique que la diminution du secteur résidentiel dans la réalisation des obligations observée jusqu’à maintenant pourrait se poursuivre en quatrième période.

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Evaluation prospective des politiques de réduction de la demande d’énergie pour le chauffage résidentiel
ADEME - Décembre 2018