Evaluation synthétique de la précarité énergétique en France

Tirée des travaux du projet EPEE (2006-2009)

Lundi 28 janvier 2008, par Webmaster // Précarité énergétique

Mettre en œuvre une politique de lutte contre la précarité énergétique nécessite de bien connaître la diversité des situations, d’identifier les différents publics concernés. Afin d’évaluer, l’évolution du phénomène et l’impact éventuel des mesures prises, il est indispensable de disposer d’indicateurs quantifiant le nombre de ménages concernés. Les données actuellement disponibles ne permettent pas toujours d’évaluer correctement la diversité des situations, des causes. En l’absence d’indicateurs précis, une série de proxy-indicateurs permettent d’approcher la caractérisation du phénomène : Ménages ayant des difficultés à payer des factures d’énergie - estimé par les niveaux d’impayés d’énergie, de coupures de courant, l’utilisation de compteurs à prépaiement...

Ce sont à partir de ces proxy-indicateurs qu’ont travaillé les partenaires du projet EPEE pour essayer de quantifier et qualifier ce phénomène. Ce sont les premiers chiffres qui ont été publiés sur la précarité énergétique en Europe, incomplets certes et parfois erronés probablement, mais ils ont le mérite de donner un premier aperçu du phénomène.

La présente étude a été réalisée dans le cadre du projet européen EPEE (European Fuel Poverty and Energy Efficiency). EPEE est un projet cofinancé par le programme Energie Intelligente pour l’Europe de la Commission Européenne dont le but est de d’améliorer la connaissance et la compréhension de la précarité énergétique, évaluer le nombre de ménages en situation de précarité énergétique dans les 5 pays partenaires et d’identifier des mécanismes opérationnels pour lutter contre ce phénomène.

Le rapport "D6-WP2, Evaluation de la précarité énergétique en Belgique, Espagne, France, Italie et Royaume-Uni" présente une évaluation quantitative et qualitative de la précarité énergétique dans les 5 pays partenaires (Belgique, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni) basée sur l’enquête européenne EU-SILC 2005 (European Union – Statistics on Income and Living Conditions). SILC est une enquête annuelle sur les revenus et les conditions de vie dans les 25 pays de l’Union Européenne. Elle constitue le principal outil de cartographie de la pauvreté et de l’exclusion sociale, au niveau européen.

L’évaluation de la précarité énergétique dans chacun des pays s’est faite à partir de l’analyse de 3 variables :

  • HH050 : Capacité à payer pour garder son logement chaud
  • HH040 : Fuites dans le toit, humidité dans les murs/sol/fondations ou moisissures sur les menuiseries/planchers
  • HS020 : Impayés sur factures d’électricité, eau, gaz
    Les résultats ont été comparés avec les études ou enquêtes nationales lorsque les données étaient disponibles.
Les 3 variables de l’Enquête EU-SILC 2005
Code /Nom Variable SILC Question posée Période de référence
HH050 : Capacité à payer pour garder son logement chaud Le ménage a-t-il été en capacité de payer pour garder son logement chaud ? Cette question est posée sans préjuger de la nécessité pour le ménage de garder son logement confortablement chaud. Période actuelle
HH040 : Fuites dans le toit, humidité dans les murs/sol/fondations ou moisissures dans menuiseries/planchers Le logement présente-t-il, selon l’avis du ménage occupant, des problèmes de fuites dans le toit, humidité dans les murs/sol/fondations ou de moisissures dans menuiseries/planchers ? Période actuelle
HS020 : Impayés de factures d’électricité, eau, gaz Le ménage a-t-il été en impayé dans les 12 derniers mois, c’est-à-dire dans l’impossibilité de payer dans les délais les factures de gaz, électricité ou d’eau pour sa résidence principale.
La réponse est positive uniquement si l’incapacité est due à des problèmes financiers.
12 derniers mois

En France

Selon la variable SILC considérée, le nombre de ménages varie d’un facteur 2 : de 1,59 à 3,13 millions de ménages. Le taux le plus important (12%) étant lié à l’état du logement (humidité, fuites, moisissures).

Résultats_SILC_EPEE_2005

Pour les trois phénomènes considérés, l’étude des revenus disponibles montre clairement que ce facteur est essentiel pour comprendre la précarité énergétique. Les 3 premiers déciles sont surreprésentés et représentent plus de la moitié des ménages concernés (60% pour les capacités à garder son logement chaud, 37% pour les problèmes fuites/humidité, 47% pour les impayés). Le premier décile est particulièrement touché (25% pour la capacité à garder son logement chaud, 18% pour les impayés). Les problèmes de fuites/humidité touchent à peu près toutes les catégories de revenus de la même façon.

Les 3 derniers déciles étant fortement sous-représentés (de 10% à 20% selon le phénomène considéré).

Alors que les locataires représentent 37% des ménages interrogés, les trois variables montrent que les locataires sont très majoritaires : 67% des impayés, 55% des ménages ayant des difficultés pour garder leur logement assez chaud, 57% des ménages ayant des problèmes d’humidité/fuites.

Les familles monoparentales ne représentent que 5,1% des ménages interrogés, pourtant elles représentent 15% des ménages qui ont été en impayé de facture, 10% des ménages qui ont des difficultés de payer pour garder leur logement à une température convenable et 8% des ménages qui disent avoir de l’humidité chez eux.

En ce qui concerne les personnes seules, elles représentent 31,8% des ménages interrogés et sont en surreprésentation pour les problèmes d’humidité (34%) et surtout pour les difficultés à payer pour garder leur logement assez chaud (46%). Ils sont légèrement sous-représentés pour les impayés de facture (28%).

Les familles avec enfants représentent 31% des ménages interrogés et sont en surreprésentation pour les impayés de facture (36%) et les problèmes d’humidité (34%). Par contre elles sont en sous-représentation (18%) sur la variable « Êtes vous en capacité de payer pour garder votre logement chaud ? ».

Les ménages qui vivent en immeuble de moins de 10 logements sont, selon l’étude SILC le plus touché par ces trois problèmes.

Les données EU-SILC ne montrent pas d’influence particulière de la densité. Cependant l’enquête logement nationale de 2001 montre plus de problèmes pour les logements situés en zone dense.

Enfin, selon l’enquête logement 2001, 75% de ceux qui ont eu froid lors des 12 derniers mois habitent dans un logement construit avant 1975.

Plus d’information sur le site du projet. Vous pouvez aussi télécharger le rapport : http://www.precarite-energetique.org/files/WP2_D6-fr.pdf