Le compteur Linky en questions : éléments de synthèse

Synthèse des articles du RAPPEL, Janvier 2019

Jeudi 31 janvier 2019, par RAPPEL3 // Gestion de l’énergie et de l’eau, diagnostics sociotechnique et premières interventions

Les compteurs Linky : Quel est le principe ? Comment sont-ils déployés ? Quels bénéficies, quelles limites, quels coûts pour les consommateurs ? Quels impacts sur la santé ? Etc. Cet article se propose de synthétiser et compléter différents sujets (parfois d’inquiétudes) liés au compteur Linky évoqués sur le site du RAPPEL depuis 2016.

Quelles sont les fonctionnalités du compteur Linky ?
Il est capable de relever, enregistrer et transmettre des données de consommation d’électricité détaillées ainsi que des données techniques (type de compteur, numéro de série, date et heure des coupures d’électricité, etc.).
Sa fonction communicante permet notamment au gestionnaire de réseaux (Enedis sur 95% du territoire français) de gérer à distance un certain nombre d’éléments : relevé de consommation, détection des anomalies sur le réseau, coupure, limitation de puissance, rétablissement de la fourniture d’énergie…

Comment le Linky est déployé sur le territoire ?
L’installation du compteur Linky est obligatoire pour le consommateur. 39 millions de foyers devraient être équipés d’ici 2024, il est possible de consulter la carte de déploiement par commune.

Quels sont les bénéfices du Linky pour le consommateur ?
- Accessible gratuitement via un espace personnel sécurisé sur internet, il dispose de ses données de consommations et notamment :
1/ sa consommation (en kWh) et sa courbe de charge journalières, mensuelles ou annuelles (voire toutes les heures ou demi-heures sur demande), ce qui doit permettre une meilleure gestion en identifiant facilement les périodes de forte consommation
2/ la puissance maximale atteinte pendant la journée, ce qui permet de mieux adapter la puissance qu’il souscrit (par tranche de 1 kVa par exemple, et non plus 3, sous réserve que des fournisseurs proposent ce type d’abonnement).
- Les factures sont établies sur la consommation réelle et non sur une estimation de celle-ci, qui nécessite ensuite des régularisations de paiement ou des remboursements.
- Certaines prestations réalisées par Enedis, qui impliquaient jusqu’alors un ou plusieurs déplacements (modification de puissance ou de formule tarifaire), font l’objet de tarifs préférentiels voire deviennent gratuites.
- Le consommateur en situation de précarité énergétique (bénéficiaire chèque énergie) devrait bénéficier gratuitement d’un « afficheur déporté » qui fournit les informations du compteur en temps réel et notamment ses consommations en euros.

…mais les moyens pour permettre aux consommateurs de mieux maîtriser leur consommation sont jugés insuffisants :
- L’ADEME (avis de septembre 2018) relève qu’outre l’espace en ligne, il est possible de voir en temps réel la puissance instantanée directement sur l’écran du compteur communicant. Or, « dans environ 1 cas sur 2, le compteur est en dehors du logement (garage, limite de propriété...). Et dans tous les cas, le positionnement du compteur et la taille de son écran ne rendent pas aisé de consulter fréquemment la puissance instantanée. ». L’Agence demande notamment que les gestionnaires de réseau, les collectivités et l’Etat améliorent les dispositifs d’information et d’accompagnement (espace en ligne, applications, afficheur déporté...) afin qu’ils permettent aux ménages de mieux comprendre leurs consommation, d’être incités à faire des économies d’énergie de bénéficier de conseils personnalisés.
- La Cour des Comptes (rapport de février 2018) souligne que la disponibilité de l’information serait inadaptée, l’usage par les consommateurs du dispositif de consultation des consommations journalières demeure très faible (1,5%) et qu’il est encore difficile de disposer d’informations sur sa courbe de charge. Le développement d’offres de fournisseurs d’électricité utilisant les fonctionnalités de Linky (ex : créer des plages horaires différentes type « heures pleines-heures creuses ») resterait, pour le moment, limité.
- Le CLER-Réseau pour la transition énergétique avertit (note de décembre 2016) que les économies d’énergie générées par une mise à disposition de données n’ont pas à ce jour fait la preuve de leur réalité et que, passé l’engouement des premières semaines de découverte des sites dédiés, l’accompagnement personnalisé reste irremplaçable...

Quels points de vigilance pour les ménages en précarité énergétique disposant d’un compteur Linky ?
- Sur l’afficheur déporté, l’ADEME (avis de septembre 2018) constate que «  cet équipement n’est pas mis à disposition par les gestionnaires de réseau  » et pointe plusieurs limites du dispositif : information brute difficile à interpréter pour des ménages et désintéressement progressif de cette fonction.
- UFC-Que Choisir (communiqué de septembre 2018) alerte sur deux points :
1/ La possibilité de couper l’électricité ou limiter la puissance fournie à distance entraîne un risque « d’augmentation des coupures d’électricité pour impayés sans que, dans bien des cas, les consommateurs n’en soient correctement avertis et puissent le cas échéant régulariser la situation. »
2/ En l’absence de l’arrêté prévoyant la couverture des coûts pour les fournisseurs distribuant l’afficheur déporté, l’association craint qu’il ne soit encore reporté, voire « purement et simplement enterré  ». Elle a d’ailleurs saisi le Conseil d’Etat à ce sujet fin janvier 2019.
- Par ailleurs, UFC-Que Choisir précise (Compteur Linky – Le vrai du faux) qu’avec l’installation du compteur Linky, le compteur, qui intègre un disjoncteur, est réglé en fonction de la puissance souscrite dans le contrat et mesure en permanence la puissance appelée. Ainsi, certains consommateurs disposant d’une puissance souscrite trop faible par rapport aux besoins de leur installation peuvent subir des coupures intempestives qui nécessitent l’augmentation de leur abonnement (ce qui représente environ 24€ TTC de surcoût annuel pour un tarif réglementé).

Le déploiement des Linky a-t-il un coût pour le consommateur ?
Le déploiement de 39 millions de compteurs Linky devrait coûter près de 5,7 milliards d’euros, soit 130 € par compteur, pose compris.
Il n’y a aucune facturation des compteurs au moment de la pose mais les coûts liés au déploiement seront répercutés sur la facture à partir de 2021, au moment où Enedis sera censé réaliser des économies grâce au dispositif (suppression des relevés manuels, télé-opérations, diminution des fraudes...), ce qui vient neutraliser l’impact du déploiement sur la facture d’électricité des ménages. Toutefois, la Cour des Comptes souligne (rapport de février 2018) que cette avance faite par Enedis, a été financée dans des conditions (taux d’intérêt d’emprunt) plus avantageuses que le remboursement qui sera réalisé par le consommateur. Au final, d’après les calculs des magistrats, l’opération correspondrait à «  un surcoût pour les usagers de 506 millions d’euros (...) sur la période 2014-2031  ». Cet avis a notamment été contesté par la Commission de Régulation de l’Energie.

Quid de la protection des données personnelles ?
La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a encadré strictement la collecte des données. Celles recueillies par Linky doivent demeurer confidentielles et la propriété de l’usager : elles doivent être cryptées, ne peuvent être transmises ou utilisées qu’avec son consentement et il lui est possible à tout moment désactiver le stockage des données ou même les supprimer.

Le Linky émet-il des ondes électromagnétiques ?
Selon l’Agence nationale des fréquences (ANFR) (étude de 2016), la transmission des données recueillies par Linky (via les câbles électriques) génère une « exposition [aux champs électromagnétiques] qui apparaît très faible  » avec des «  niveaux mesurés à proximité du compteur Linky […] du même ordre » que certains appareils du quotidien (TV, lampes…).
L’INERIS (étude de 2016) est venu confirmer que les niveaux d’exposition restent très inférieurs aux valeurs réglementaires.
Un rapport de l’ANSES (avis de juin 2017), enrichi par une campagne de mesures du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) (étude de fin 2016), met en évidence des durées d’exposition plus longues que celles initialement attendues, sans que les niveaux de champ électromagnétique ne soient cependant plus élevés. Ces niveaux d’exposition restent faibles et inférieurs aux valeurs limites réglementaires. Enedis a notamment répondu au rapport du CSTB.

La question des ondes électromagnétique suscite la demande de nouvelles campagnes de mesures par les citoyens, voire même des actions en justice sur le sujet (au côté de celui des données personnelles ou de l’obligation-même d’installer les Linky).

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Pour en savoir plus et retrouver toutes les sources et références citées dans l’article, consulter :

Les articles du RAPPEL : Compteurs communicants d’électricité (Linky) // Linky : un apport limité à la transition énergétique ? // Rapport sur le déploiement du compteur Linky // Le compteur Linky : un déploiement dans les temps mais des conditions désavantageuses pour les consommateurs // Compteurs Linky : alerte pour les ménages précaires
Le guide « Le nouveau compteur d’électricité » sur le site de l’ADEME
Le site de l’INC